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Voyage à Auschwitz, le 19 janvier 2020

De nombreux élèves et parents d’élèves de Janson, réunis par M. Mourad Kchouk, proviseur adjoint du lycée, en charge des classes préparatoires aux grandes écoles, participaient à ce voyage d’une journée organisé par le Mémorial de la Shoah pour commémorer le 75ème anniversaire de la libération des camps d’Auschwitz-Birkenau.
Personnellement, je voulais depuis longtemps venir me recueillir sur ce lieu où près d’un million trois cents mille personnes (dont au moins un million de juifs) ont été assassinées dans des conditions atroces.

Le temps de visite d’une journée était évidemment un peu bref. Heureusement, nous avons bénéficié de deux guides efficaces (une du mémorial et une polonaise). Le parcours fut éprouvant physiquement (les camps sont très étendus) et moralement. Le temps était de circonstance, gris et froid…

Nous avons commencé par la Judenrampe, cet endroit où les trains de déportés arrivaient et où s’opérait la première sélection par des médecins nazis. De faux camions de la Croix Rouge stationnaient à proximité pour rassurer les arrivants. Il fallait à tout prix éviter les mouvements de panique. Les enfants, les infirmes, les vieillards, les malades, tous ceux qui n’étaient pas en état de travailler étaient directement envoyés dans les chambres à gaz. 900.000 personnes sont mortes le jour de leur arrivée… Avec un cynisme effrayant, on demandait aux déportés de bien noter leurs noms sur leurs valises pour retrouver leurs affaires, de même qu’on leur indiquait des porte-manteaux numérotés avant de pénétrer dans la pièce où ils allaient être gazés. Ce sont aussi des déportés qui étaient chargés de ramasser et de brûler les corps, sans oublier, auparavant, de récupérer cheveux, dents en or etc. sur les cadavres. Ces membres des fameux Sonderkommandos étaient exécutés à intervalles réguliers pour ne pas pouvoir témoigner.

Nous avons ensuite parcouru le camp d’Auschwitz Birkenau. Le camp est très étendu et bordé des tristement célèbres bois de bouleaux (Birkenau en allemand). On y trouve les baraquements où étaient entassés les déportés, les restes de chambres à gaz et de fours crématoires que les nazis ont dynamité avant de partir pour tenter de dissimuler les preuves de leurs crimes. Les déportés étaient maintenus dans un état de sous nutrition qui les rendait rapidement inaptes au travail, et donc condamnés. Pour ces Untermensch, comme les appelaient avec mépris les nazis, les humiliations étaient permanentes, trop nombreuses pour les décrire ici. Leur identité se résumait au numéro tatoué sur leur avant-bras, les conditions de vie étaient abominables, la mort rôdait à chaque instant. On y aperçoit aussi les restes du laboratoire du sinistre Docteur Mengele, qui y pratiquait ses expérimentations sur les déportés avec une cruauté sans limites.

L’après-midi, nous avons visité le camp d’Auschwitz 1, construit avant Auschwitz Birkenau. Avec ses blocks, la potence pour pendre des détenus, le mur de la mort où ont été fusillées des centaines de personnes, les pièces où sont conservées des quantités impressionnantes de cheveux, de valises empilées jusqu’au plafond, d’objets personnels… un spectacle poignant.

Bien sûr, je me suis beaucoup documenté sur le sujet depuis mon adolescence, j’ai lu beaucoup d’ouvrages sur la déportation, y compris les mémoires de Filip Muller (survivant des Sonderkommandos), vu de nombreux films et documentaires. Mais lorsqu’on parcourt cet endroit glaçant, qu’on mesure l’ampleur de ce massacre pensé et organisé bien en amont de l’arrivée des convois, de façon systématique et cynique (tout en cherchant à en effacer les traces), cet anéantissement programmé des juifs d’Europe (et la mise en œuvre de la solution finale avec la conférence de Wannsee) sans équivalent dans l’histoire, on est pris à la gorge par l’émotion, anéanti par les descriptions des horreurs infligées sans l’once d’un remords à tous ces hommes, femmes, enfants, à des bébés, et il est impossible de garder les yeux secs.

Une visite que tous les lycéens devraient faire une fois dans leur scolarité pour ne jamais oublier ce que sont capables de faire des hommes à d’autres hommes.

Olivier Kourilsky (Janson, 1950-1961)

 




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